Plutôt que de faire une scène dans laquelle elle était mal à l’aise, l’actrice qui incarne Lori Madison, une travailleuse du sexe dans les années 1970 dans The Deuce, reçoit l’aide d’Alicia Rodis, une coordinatrice d’intimité, cofondatrice d’Intimacy Directors International. Cette dernière s’est dès lors entretenue avec Uta Briesewitz, la réalisatrice de l’épisode, qui accepte de revoir cette scène pour la rendre moins crue.
Sexe, mensonges et vidéo
Avant de recevoir l’aide d’Alicia Rodis, Emily Meade n’avait aucune idée que ce métier existait. Rodis n’est pourtant pas une inconnue. Depuis plus de 15 ans, cette ancienne actrice coordonne des actes intimes dans le monde du théâtre. Quand HBO fait appel à elle, c’est la première fois que sa société est approchée par une chaîne de télévision. Une véritable incohérence tant les scènes de sexe sont omniprésentes en télévision et surtout au cinéma. Les tournages sont pourtant très réglementés : la présence d’un parent ou d’un chaperon est réclamée sur un tournage si un enfant fait partie du casting, un coordinateur de cascades pour les scènes de cascades, un coordinateur animalier pour les scènes avec des animaux… Pour les scènes de sexe, il n’y avait rien. Il en aurait pourtant fallu une pour le film Dernier tango à Paris, où le défunt réalisateur Bernardo Bertolucci avait planifié une scène de viol impliquant l’actrice Maria Schneider, sans que cette dernière soit au courant. « Ce que je voulais, ce n’est pas une actrice qui simulait le viol ou la douleur ; je voulais les vraies larmes d’une jeune fille », aurait-il déclaré.
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le consentement… sans jamais oser le demander
Le métier de coordinatrice d’intimité ne se résume pas à superviser des scènes de sexe. Il consiste aussi à conserver le respect des femmes dans l’attitude des autres personnages, mais aussi dans le lexique. Exit les mots comme « nichons » et autres grossièretés de ce genre. Un travail de prévention est également préparé en amont pour l’équipe technique, afin de permettre aux actrices de tourner dans des conditions sereines. Pour les productions, il s’agit aussi d’anticiper toute scène qui pourrait porter préjudice à la réputation du film, même si parfois certains buzz peuvent déclencher la curiosité et engranger des millions d’entrées. Personne n’oubliera la scène où Sharon Stone est interrogée dans le très sulfureux Basic Instinct.
Depuis l’affaire Weinstein et le mouvement #Metoo, beaucoup d’actrices avaient élevé la voix pour dénoncer des pratiques obscènes et violentes sur les lieux de tournage. L’objectif d’une coordinatrice d’intimité est avant tout d’instaurer un climat de confiance, même s’il faut parfois prendre des mesures radicales, comme demander le retrait d’une scène. Depuis la demande d’Emily Meade, les coordinatrices d’intimités se sont multipliées sur les tournages américains et britanniques. Quid de la France ? Il n’y a à ce jour aucun poste similaire à notre connaissance. Des scènes de nudité et de sexe sont pourtant assez présentes sur les tournages français. Parions que ce métier verra le jour d’ici peu dans l’hexagone. En attendant, les agents et leurs poulains sont bien plus attentifs que dans le passé et n’hésitent pas à mettre des limites.
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