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- Organisation. Le travail principal du premier assistant-réalisateur est de préparer le plan de travail du tournage quotidien, puis de s’assurer que la production s’y conforme. Cela nécessite non seulement un bon sens du timing, mais aussi une compréhension attentive des personnes avec lesquelles il travaille, que ce soit l’équipe, les comédiens, le ou les producteurs et bien évidemment le réalisateur. L’assistant-réalisateur a également une vraie notion des coûts, car sur un tournage encore plus qu’ailleurs, le temps, c’est de l’argent. Si les heures sup s’accumulent, il y aura plus que de la tension dans l’air, quelles que soient les raisons.
- Management et communication. L’assistant-réalisateur dirige et coordonne le tournage. Une très bonne communication est donc primordiale pour s’assurer que le tournage se déroule de manière organisée. Le réalisateur peut de son côté se consacrer uniquement à la réalisation.
- Sécurité. Les accidents sont malheureusement un risque qui reste du domaine du possible. Quelques accidents tragiques ont émaillé des films, forçant l’industrie à garantir l’importance de la sécurité sur les plateaux. Beaucoup de choses peuvent mal tourner, et c’est donc à l’assistant-réalisateur de s’assurer que tout le monde est en sécurité.
« Un bon assistant, c’est quelqu’un qui connaît parfaitement le travail des autres »
« Une chose est sûre : plus l’assistant-réalisateur connaît les corps de métier et leur manière de fonctionner, plus ce sera un bon assistant-réalisateur », nous explique Alicia Ferrieu. « Il va réussir du coup à savoir que lorsqu’il faut préparer un plan, technique ou artistique d’une certaine manière, il va savoir combien de temps cela va prendre à chaque équipe et quelle équipe pourra travailler en même temps que l’autre ou non. Donc son but à lui, c’est de connaître un minimum de tous les corps de métiers. On n’est pas obligé de connaître tous les détails de comment monter une caméra, monter des polis ou des pratos, mais si on sait combien de temps ça prend en tout cas pour faire cette séquence technique, on va pouvoir coordonner l’artistique à côté, préparer les comédiens, savoir qu’il faut 20 minutes pour le maquillage, en même temps 20 minutes pour le plateau, et qu’au final on se retrouve tous dans 20 minutes, tous prêts. Donc plus un assistant-réalisateur connaîtra les corps de métier autour de lui, mieux ça se passera sur le plateau, et tout le monde sera content, parce que tout le monde aura eu son temps pour travailler. »
Un sentiment partagé par Jean-Philippe Blime, qui a longtemps officié en tant qu’assistant-réalisateur :
« Un bon assistant, c’est quelqu’un qui connaît parfaitement le travail des autres et, le connaissant parfaitement, va arriver à coordonner, puisque finalement l’idée c’est d’éviter que tout le monde travaille en même temps. En fait, c’est un truc tout con, il y a une hiérarchie du travail. Et c’est l’assistant qui va dire “OK, à toi”, “OK, toi c’est fait, à toi”. Si tout le monde travaille en même temps, que la lumière se fait en même temps que le son, etc., on n’y arrivera pas, donc c’est l’assistant qui va dire, parce qu’il connaît le travail de chacun, et qui va donner les tops pour que chaque corps de métier puisse travailler. »
Ayant une longue expérience sur le métier d’assistant-réalisateur, Jean-Philippe Blime a également tenu à nous faire part de son analyse concernant le taux élevé de premiers films en France. La France a toujours été championne en matière de premiers films :
« Cette tendance a largement augmenté ces dernières années pour 2 raisons.
La première est la disparition des talents : le “parc” des réalisateurs chevronnés et talentueux s’est peu à peu tari. Certains sont morts, d’autres ont vieilli, d’autres ne se sont pas remis de leurs échecs, ont été bannis du cinéma et ont trouvé un second souffle en télévision. Il est logique qu’avec la baisse des budgets, certains réalisateurs ne se sentent pas à l’aise dans une économie qui ne leur permet pas de fournir la qualité à laquelle ils étaient habitués. Très peu de réalisateurs “grand public” ont émergé ces 20 dernières années. Combien de réalisateurs aujourd’hui peuvent se targuer de garantir un succès comme autrefois les Oury, Chabrol, Truffaut, Deray, Molinaro, Lautner, Enrico, Verneuil… ? Pourraient-ils aujourd’hui assumer des budgets comme ceux pratiqués de nos jours ? Nous avons actuellement un magnifique “cheptel” de réalisateurs talentueux, mais confidentiels en termes de succès commercial ou international. C’est ainsi.
Le système de financement français favorise très largement le “bénéfice du doute” : il vaut mieux financer le film d’un débutant que celui d’un réalisateur “bancal”, c’est-à-dire n’ayant pas de gros succès à son actif ou venant de la télévision (ceux-là sont définitivement rayés de la carte). Il favorise également les “petits noms” : acteurs, journalistes connus, animateurs tv, chanteurs… Il est beaucoup plus excitant de donner sa chance à une personnalité qu’à un inconnu. »
La deuxième raison est directement la résultante des ravages de la convention collective : « J’ai parlé plus haut de “dispositif” prévu pour les “petits” films. Parmi ces dispositifs, on a prévu une exception pour les films aux budgets inférieurs à 1 million d’euros : ces films peuvent échapper à la convention collective (salaires minimas, heures sup…). Les producteurs se sont naturellement rués vers cette niche, inondant littéralement le marché français avec une petite centaine de “petits” films chaque année, et parmi eux une majorité de premiers films. Inutile de préciser que ces films, s’ils ont le mérite de faire fonctionner l’industrie, ne représentent en revanche que peu d’espoir d’exposition et donc de succès. »
Les assistants-réalisateurs étant soumis à la Convention Collective de 2012, Jean-Philippe Blime en profite pour nous expliquer comment cette convention a modifié les tournages des films :
« Jusqu’en 2012, il existait pour le cinéma une convention collective non-étendue*, qui ne faisait donc office de référence que pour les conditions de travail et les salaires minima du cinéma.
Pour une raison que nous sommes nombreux à ignorer (officiellement), quelqu’un s’est mis en tête d’imposer une réglementation ferme au cinéma en lui appliquant une convention étendue. Trois ou quatre ans plus tard, après des milliers d’heures de travail et de concertations, de prises de positions violentes et de remises à plat des textes existants, est née la convention collective de 2012. L’industrie de la production cinématographique a alors dû se réorganiser : étendues horaires, lieux de tournage, conditions et organisation du travail sont rentrés sous la coupe d’un texte beaucoup trop rigide mais protégeant les salariés des abus de productions malveillantes. L’énorme erreur de cette volonté de réguler a été d’institutionnaliser les versements d’heures supplémentaires, de transports, de nuit… Bref, là où auparavant les choses se négociaient entre employeurs et employés en fonction du budget et du type de projet, désormais, toute négociation a été interdite, et la seule règle en vigueur est devenue l’indemnité pécuniaire. Il a fallu alors organiser des rotations de techniciens, limiter les déplacements, oublier les tournages de nuit et surtout rajouter des jours de tournage. Au passage, les salaires des acteurs et des figurants ont augmenté, tandis que leur temps de présence diminuait.
Bilan : même si des exceptions ont été prévues pour certains types de budget, l’inflation des coûts de production concomitante à la baisse drastique des financements a généré un choc qui a causé l’extrême fragilisation de la production indépendante au bénéfice des films de groupes, même si eux-mêmes ont également subi l’impact de cette aberration. »
* Une convention collective est une « sous-loi » applicable à chaque branche, elle permet à chaque métier de déroger à la loi sur le travail. Par exemple, la loi travail interdisant le travail de nuit ou le dimanche, il faut que les métiers comme gardiens de nuit, boulangers, commerçants sur les lieux touristiques puissent exercer leurs fonctions dans un cadre légal.
« L’Afar est devenue un partenaire incontournable des institutions du cinéma »
Le poste d’assistant-réalisateur étant assez particulier, il existe une association concernant cette profession un peu hybride. Créée justement par Jean-Philippe Blime en 1998, l’AFAR, « Association Française des Assistants-Réalisateurs », vient en aide aux nouveaux arrivants comme aux plus expérimentés :
« Je connais bien l’Afar pour l’avoir fondée en 1998. Nous étions 7 à l’origine, et son but était de fédérer les assistants-réalisateurs face aux productions et aux syndicats en qui nous n’avions aucune confiance. Nous proposions un service aux productions en leur garantissant une qualité de travail ainsi qu’une actualisation permanente des disponibilités des membres. À l’opposé, nous garantissions aux assistants l’honnêteté des productions et le respect des conditions de travail. Vingt ans plus tard, l’Afar compte environ 150 membres et est devenue un partenaire incontournable des institutions du cinéma. ARAssociés est une autre association d’assistants, qui travaille en bonne intelligence avec l’Afar. Les standards d’admission de l’Afar étant assez élevés, il arrive souvent que les jeunes assistants adhèrent à l’ARA, les deux n’étant ni en compétition ni incompatibles. »
Vous pouvez retrouver les actions de l’AFAR et de ARAssociés dans les liens suivants :
https://www.afar-fiction.com/
https://www.arassocies.com/
Si vous voulez en savoir plus sur cette belle activité, une formation assistant-réalisateur est délivrée par Stardust MasterClass, la plateforme dédiée au cinéma, à l’audiovisuel et à l’écriture.