À l’instar de la réforme des retraites, le dossier de la chronologie des médias risque de donner des sueurs froides en 2020 au ministère de la Culture. Grand chantier de la réforme de l’audiovisuel, ce système permettant de réguler l’ordre et les délais d’exploitation d’une œuvre cinématographique se veut toujours aussi protecteur envers le cinéma. Si l’industrie du cinéma a longuement débattu avec Canal+ en 2018, le nouvel accord qui a été signé en 2019 pourrait encore subir une évolution, celle-ci entrant dans le cadre de la grande réforme audiovisuelle, dirigée par le ministère de la Culture.
Et pour cause ! Cet accord a été jugé trop inégal selon les différents acteurs. Si le groupe Canal+ est sorti grand gagnant de ce bras de fer en obtenant la diffusion d’un film 8 mois après sa sortie en salle, les nouveaux services de la SVOD – Netflix, Amazon et prochainement Disney+ – se sont invités à la table des négociations, et s’estiment profondément lésés par la chronologie des médias. Exemple avec Disney+, qui promettait de retrouver « Tout Disney au même endroit ». Il se voit finalement dépossédé de ses propres licences sur le territoire français, la faute à des accords passés au préalable qui ne lui permettent pas de récupérer toutes ses licences. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé aux États-Unis, où les disparitions de Maman j’ai raté l’avion et Pirate des Caraïbes ne sont pas passées inaperçues, ces deux films se retrouvant chez un concurrent. Alors que le service doit démarrer le 31 mars prochain en France, on sait d’ores et déjà que Disney+ devra composer avec la chronologie des médias et respecter les accords avec les différentes chaînes de télévision.
Une annonce attendue pour cette année
Soucieux de pérenniser la production audiovisuelle française, le ministère de la Culture dirigé par Franck Riester veut obliger les plateformes de streaming à financier des créations cinématographiques ou des séries télévisées à hauteur de 16 % de leur chiffre d’affaires en France. Si elles refusent, elles pourraient faire l’objet de sanctions allant même jusqu’à une interdiction de diffusion en France, ce qui en l’état paraît très improbable puisqu’elles sont essentiellement sur internet. En contrepartie, la fameuse chronologie des médias pourrait être assouplie dès cette année. Une mesure encore floue, mais qui doit tout de même se faire dans l’urgence, tant les habitudes des spectateurs ont été complètement bouleversées par internet, avec notamment une recrudescence du piratage. Aujourd’hui, une série comme The Mandalorian (Disney+), qui n’est pas encore disponible en France, se trouve déjà sur internet en téléchargement illégal. La chronologie des médias étant assez lente, les internautes, désormais habitués à obtenir des séries et films de manière quasi instantanée, n’ont visiblement plus la patience d’attendre 6 à 30 mois pour une œuvre cinématographique. Un avis partagé par Dominique Boutonnat, directeur du CNC dans des propos rapportés par le site boxofficepro.fr : « Les jeunes consomment davantage sur les plateformes et les tablettes, et il faut pouvoir amener les œuvres françaises le plus vite et le plus tôt possible là où ils les regardent. Cela questionne la chronologie des médias : c’est un sujet qu’il faut vite rouvrir. Cela fait partie des grands enjeux qui détermineront tout le reste. »
En attendant une nouvelle annonce, on peut tout de même constater que Netflix a créé son propre système en proposant des films en France, sans passer par la case cinéma. C’est notamment le cas de films comme Roma, Marriage Story, ou encore The Irishman, directement sortis sur la plateforme en ligne. Sacré casse-tête donc pour le ministère de la Culture, qui va devoir trouver des arrangements pour les services de SVoD, tout en ne froissant pas Canal+, premier producteur du cinéma français.
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