Le 11 janvier 2019, France Télévisions a annoncé la signature d’un accord empêchant ses nouvelles séries françaises d’aller sur Netflix. Décryptage d’une contre-attaque.
D’un coup de stylo, France Télévisions a porté un grand coup au catalogue français de Netflix. Le 11 janvier 2019, le groupe audiovisuel a officialisé un accord avec les producteurs de fiction française stipulant que les séries et films produits à partir du 1er janvier 2019 ne pourront pas aller ailleurs que sur la plateforme de France Télévisions. Concrètement, il ne s’agit pas de toutes les séries françaises, mais bien de celles financées par France Télévision.
Pour Delphine Ernotte, présidente du groupe, cet accord permet à France Télévision de ne pas rééditer l’erreur de Dix pour cent, la série phare de France 2, et dont la troisième saison a été diffusée sur Netflix, seulement quelques semaines après sa diffusion à la télévision. Cet accord ne se fait pas sans contrepartie. Les producteurs l’ayant signé ont obtenu que la durée d’exploitation exclusive des programmes à la télévision soit réduite. La part de programmes réservée aux producteurs indépendants passe à 82,5 %, alors qu’elle était de 75 % auparavant. France Télévisions s’est également engagé à maintenir ses investissements annuels pour la période 2019-2022 à hauteur de 420 millions d’euros par an.
Salto se fait toujours attendre
Cet accord intervient alors que France Télévisions, TF1 et M6 préparent activement le lancement de Salto, un service de vidéo à la demande censé regrouper les contenus de ces trois grands groupes, visant à contester l’hégémonie de Netflix dans ce domaine. Malgré de nombreux pourparlers, ce « Netflix à la française » n’a toujours pas été lancé, même si l’on parle d’abonnements allant de 2 à 5 euros par mois selon les deniers échos rapportés par Le Monde. On trouverait à l’intérieur de Salto les contenus des chaînes TF1, TMC, TFX, LCI, France 2, 3, 4, 5 et Ô, France info, M6, W9 et 6ter. Une alliance qui se ferait sans Canal+ et sans OCS. Le premier ayant un large catalogue de séries et films, tandis qu’OCS s’est fait le relais français du groupe HBO.
L’accord signé serait-il suffisant pour contrer Netflix ? C’est très incertain. Sans Canal+ ni OCS, Salto apparaît déjà fragilisé avec un catalogue très famélique par rapport au mastodonte américain. Netflix avait annoncé en 2017 investir entre 7 et 8 milliards de dollars uniquement pour la production de contenu. Beaucoup plus que d’autres services de vidéo à la demande comme Hulu, Amazon ou encore Disney, qui prépare un service similaire. L’autre problème se situe essentiellement dans la cible. En France, fort de 3,5 millions d’abonnés, Netflix attire plutôt une clientèle jeune qui se passionne pour les fictions américaines, les films hollywoodiens et les créations originales Netflix. En l’absence de chiffres pour une série française comme Dix pour cent sur Netflix, il est difficile de quantifier l’impact que cet accord pourrait avoir sur le mastodonte américain. Sur les réseaux sociaux, cet accord est d’ailleurs largement moqué dans son ensemble, mais permet aussi à France Télévision de ne pas se faire « piquer » ses nouvelles créations. Quid des fictions françaises déjà présentes sur Netflix ? À l’image de Dix pour cent, elles resteront dans le catalogue jusqu’à la prochaine renégociation des droits de diffusion.
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