L’affaire Weinstein a eu un effet retentissant sur le monde du cinéma, où le véritable visage de nombreux producteurs et acteurs ont été exposés sur la place publique. Un an après, est-ce que #MeToo a eu l’effet escompté et quelles sont ses répercussions ?
Le 5 octobre 2017, un article du New York Times allait changer à tout jamais la vie d’Harvey Weinstein. Ce puissant producteur d’Hollywood connu notamment pour avoir produit des films comme Pulp Fiction, Scream, Shakespeare in Love, allait connaître une fin vertigineuse à la suite de dénonciations d’agressions sexuelles.
Dans cet article, les actrices Lucia Evans, Lysette Anthony, Asia Argento, Rose McGowan et une cinquième femme qui souhaitait garder l’anonymat allaient décrire les méthodes odieuses du producteur de 66 ans pour obtenir des massages, les forcer à le regarder nu ou encore une « promotion canapé », à savoir une faveur sexuelle contre la promesse d’un rôle dans un film ou d’une ascension dans leur carrière.
Très vite, cet article allait faire le tour du monde et déboucher sur de nombreux autres témoignages. À ce jour, ce serait près de 80 femmes qui auraient porté plainte pour harcèlement sexuel ou viol contre Harvey Weinstein. Une parole libérée qui a obligé le producteur à fermer sa société de production. Actuellement inculpé pour plusieurs agressions sexuelles, Harvey Weinstein encourt une peine minimum de 10 ans de prison, la peine maximale étant la prison à perpétuité.
De nombreuses célébrités concernées
Plus qu’une condamnation d’un puissant producteur d’Hollywood, c’est une véritable industrie du cinéma qui a été ébranlée. Par la suite, près de 100 acteurs, producteurs ou réalisateurs ont été accusés de harcèlement sexuel parmi lesquels :
• Casey Affleck
• Asia Argento
• Luc Besson
• Louis CK
• Gérard Depardieu
• Michael Douglas
• James Franco
• Morgan Freeman
• Dustin Hoffman
• Robert Knepper
• Nana Patekar
• Brett Ratner
• Steven Seagal
• Kevin Spacey
• Sylvester Stallone
• Jeffrey Tambor
• James Toback
• Ed Westwick
Bill Cosby, dont le procès a été retentissant outre-Atlantique, est le seul acteur à avoir été condamné. L’ancien acteur et humoriste avait été inculpé deux ans avant l’affaire Weinstein. Une peine minimale de 3 ans pour ces nombreuses accusations de viol. Pour ce qui est des autres, il est encore trop tôt pour en connaître les conséquences, les accusations faisant toujours l’objet d’enquêtes. Certaines d’entre elles ont cependant eu un gros impact sur Kevin Spacey, l’acteur oscarisé d’American Beauty et Usual Suspect.
Le cas Kevin Spacey
Accusé pour des faits remontant à 1992, Kevin Spacey, alors âgé de 26 ans, aurait agressé sexuellement Anthony Rapp (Star Trek Recovery) alors âgé de 14 ans. Cette accusation, largement médiatisée, a été commentée par Kevin Spacey, qui dans une lettre ouverte s’est excusé. « Si je me suis comporté comme il le décrit, je lui dois des excuses pour ce qui semble être un comportement en état d’ivresse profondément inapproprié. » L’acteur a profité de ce communiqué pour également déclarer son homosexualité, une ligne de défense qui a été très critiquée aux États-Unis.
L’accusation d’Anthony Rapp est par la suite imitée par Roberto Cavazos, Tony Montana puis par plusieurs acteurs expliquant les méthodes « de prédateur » de Kevin Spacey, dont un acteur qui affirme que Kevin Spacey a essayé de le violer quand il avait 15 ans. Au total, ce serait plus d’une cinquantaine d’accusations qui ont été évoquées, dont six font l’objet d’une enquête au Royaume-Uni.
Aux États-Unis, ces révélations n’ont plus de valeur juridique, puisqu’elles ont dépassé le délai de prescription, comme l’atteste le bureau du procureur de Los Angeles en septembre 2018, mais elles ont eu une énorme conséquence sur la carrière de Kevin Spacey. Dans la foulée de ces accusations, Netflix a annoncé la fin du contrat le liant à l’acteur dans House of Cards. Dans un premier temps annulée, la série refait surface, mais sans Frank Underwood, le personnage principal, interprété par Kevin Spacey.
Autre conséquence : son remplacement dans le film Tout l’argent du monde, de Ridley Scott. Alors que le film était sur le point d’être bouclé, l’acteur de 59 ans a été remplacé par Christopher Plummer. Un désastre pour Kevin Spacey, dont son film Billionnaires Boys Club, sorti pendant ces accusations, n’avait récolté que 425 malheureux dollars lors de sa première semaine en salle. On comprend très vite que les conséquences sont nombreuses pour ceux qui sont accusés.
De vraies conséquences dans l’avenir du cinéma ?
Si le cas Kevin Spacey est assez révélateur qu’un acteur peut tout perdre, #MeToo ne peut pas non plus faire de miracles si les accusations ne sont pas accompagnées de jugements fermes. Le retour progressif de Louis CK, le célèbre humoriste américain, sur la scène américaine mais également française montre que, selon les profils, il suffit de se faire oublier et de revenir quelques mois plus tard.
S’il est encore très tôt pour dire que le mouvement #MeToo a profondément changé l’industrie du cinéma, on peut probablement espérer que la peur a changé de camp. Les gens dits puissants et se sentant intouchables commencent tout doucement à comprendre qu’il y a des conséquences à leurs actes. Pour le moment, il n’y a pas eu un énorme impact en France, avec très peu d’accusations dans le monde du cinéma.
Le mouvement #MeToo ne doit pas se résumer à une opposition homme/femme, ce doit être une lutte contre ceux qui se croient intouchables. Une lutte non pas succincte, mais perpétuelle. Le mouvement #MeToo ne doit pas être l’un de ces challenges éphémères qui n’ont pour but que de faire le buzz sur les réseaux sociaux. Il doit être un véritable catalyseur dans la vie de tous les jours en matière de harcèlement sexuel, dans le rôle des femmes dans le cinéma, ainsi qu’en ce qui concerne les inégalités hommes-femmes.
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