Les critiques de film sont-ils en voie de disparition ou de mutation ? Avec l’avènement des nouvelles technologies et les nouvelles méthodes de communication et d’information, le métier de critique de film est en passe de devenir obsolète. Enquête sur une situation critique.
Aujourd’hui, quiconque possède internet peut être un critique de film. À travers cette observation, c’est bien évidemment tout le monde du journalisme qui est visé. Internet ayant bouleversé nos méthodes de communication et nos manières de comprendre l’information, tous les domaines ont été touchés. Que ce soit l’actualité, le sport ou la culture, il suffit d’avoir un compte sur les réseaux sociaux ou un blog pour avoir un accès plus ou moins grand à des lecteurs. En 2000, la profession de critique était encore respectée. Près de vingt ans plus tard, l’industrie du cinéma a bien changé, et ceci a eu des répercussions sur toutes les professions qui gravitent dans cette industrie, y compris celle de critique.
Devenu référence en la matière, le site Rotten Tomatoes a bouleversé les méthodes de critiques de cinéma, où les internautes peuvent facilement détruire ou encenser un film. S’il est grandement apprécié et relativement fiable, il n’est pas exempt de dérives. Black Panther, sorti en 2018, a notamment été la cible d’un groupe d’extrême droite d’environ 3 700 membres donnant de fausses critiques afin de mépriser gratuitement le film. Ce groupe, qui opérait sur Facebook, s’était déjà illustré auparavant avec Star Wars : The Last Jedi, reprochant au film de Disney de laisser trop de place aux femmes. Des campagnes négatives qui ont conduit Rotten Tomatoes à s’exprimer sur le sujet :
« Chez Rotten Tomatoes, nous sommes fiers d’être devenus une plate-forme permettant aux fans passionnés de débattre et de discuter de divertissements et nous prenons cette responsabilité au sérieux. Bien que nous respections les opinions diverses de nos fans, nous ne tolérons pas les discours de haine. Notre équipe d’experts en matière de sécurité, de réseaux et de réseaux sociaux continue de surveiller de près nos plateformes. Tous les utilisateurs qui s’engagent dans de telles activités seront bloqués de notre site et leurs commentaires supprimés le plus rapidement possible. »
Des critiques de plus en plus critiquées
Si le métier de critique est lentement en passe de disparaître, c’est parce qu’il est de plus en plus défié, voire contesté. À travers cette méfiance se cache le problème de proximité entre les journalistes et leurs lecteurs. Ces derniers, renforcés par le pouvoir des réseaux sociaux, peuvent mettre à mal par exemple une critique si elle est trop acerbe envers une star très appréciée ou sur un film descendu en flèche qui rencontre pourtant un engouement du public. Le principe de ne pas avoir écrit ce que des lecteurs veulent lire est suffisant pour provoquer la colère de fans un peu trop investis.
Il est important de rappeler que les critiques ne sont que l’opinion de quelqu’un d’autre. Il arrive qu’une critique passe complètement au travers de l’esprit d’un film. Exemple avec Fight Club de David Fincher, qui avait souffert à sa sortie en 1999 de critiques assez négatives venant de la presse américaine, pour finalement atteindre un succès retentissant en salles de cinéma.
Des critiques sous influences
Par le passé, le grand public se rangeait derrière de bonnes critiques pour se décider d’aller voir un film ou non. Disponible dans les journaux, émissions télévisées ou à la radio, la moindre critique élogieuse d’un film dans ces médias était suffisante pour attirer des curieux. Aujourd’hui, la donne a changé avec les réseaux sociaux ; les influenceurs, les youtubers, et les sociétés de production l’ont bien compris. Plutôt que d’attendre les traditionnels retours des critiques de film, les agences en charge de la promotion d’un film n’auront aucun problème à inviter ces influenceurs pour qu’ils fassent la critique du film. Prenons l’exemple d’une blogueuse mode invitée à l’avant-première du film Le nouveau stagiaire (2015) dans lequel Ben Wittaker, incarné par Robert de Niro, est un veuf retraité de 70 ans qui décide de reprendre du service en devenant « stagiaire senior » dans une entreprise de vente de vêtements par internet, dirigée par une jeune femme (Anne Hathaway). Dans son billet, la blogueuse mode s’épanchera sur la façon dont elle a été accueillie, dans quelle salle elle est allée, qui elle a rencontré, ce qu’elle portait ce jour-là. Elle détaillera certaines scènes du film accompagnées de détails sur les tenues que portait Anne Hathaway. De son côté, le critique de film ne s’encombrera guère de tous ces détails, et ne racontera que le film en lui-même, ce qu’il a apprécié ou pas. La différence ? La blogueuse est suivie par plus de 100 000 abonnés de la même tranche d’âge, de la même génération, du même univers, qui auront à cœur de suivre la tendance plus que de découvrir un film.
Les sociétés de productions peuvent aussi tout simplement faire appel aux fans des acteurs. En 2015, le compte Twitter du film Aladdin avait incité les jeunes fans de Kev Adams à mettre des étoiles au film sur Allociné. Des comptes avaient été créés pour l’occasion le jour même juste pour mettre cinq étoiles au film, tandis que les commentaires majoritairement négatifs étaient fermés.
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